jeudi 10 septembre 2020

Un appel brûlant de la part d'un prof à tous les employés de l'éducation nationale

Je suis prof dans un grand lycée d'Ile de France.

J’écris ce billet dans l’espoir de motiver d'autres collègues-profs à sortir de ce silence assourdissant qui me sidère (et à encourager les parents d'élèves de se manifester). Je vais énumérer quelques raisons qui me poussent à lancer un appel à tous mes collègues de l’Education nationale encore transis dans leur capacité d’agir par la sidération ambiante.

Tout d’abord, voilà comment ma rentrée s'est passée :

A la grande messe de la prérentrée où les 150 collègues sont tous réunis face à la direction, j'étais le seul, absolument le seul être humain, à ne pas porter de masque. Tous mes collègues arboraient leur masque remonté jusqu'au nez comme si c'était la chose la plus normale du monde. Le proviseur a bien évidemment évoqué le contexte particulier de la rentrée en nous servant la soupe éternelle du grand méchant virus dont on sait encore si peu de choses, avec lequel il faut apprendre à vivre en respectant les gestes barrières blablabla. Chaque intervenant parlait grâce à un micro et enlevait son masque pour prendre la parole. Ensuite il passait le micro à l'intervenant suivant à condition que celui-ci se désinfecte soigneusement les mains au gel. Par contre, aucun de ces joyeux drilles ne semblait effrayé à l'idée de se coller le micro sous les lèvres pour étaler sur son visage les postillons de l'orateur précédent... Quelqu’un voudrait bien m’expliquer, là ... ?


Dès cette réunion, j'ai remarqué et senti les regards indéfinissables de mes collègues lorsqu'ils me voyaient sans masque : incompréhension ? indignation ? peur ? reproche ? admiration tacite ? Je dois avouer qu'un malaise sournois s’emparait de moi. Tout d'un coup, je me suis rendu compte que j'étais vraiment seul. Comme l'a si bien dit une personne sur les réseaux sociaux : "Tout le monde porte le masque parce que ... tout le monde porte le masque." Le fait que je n'en portais pas n'a vraiment encouragé personne à faire de même.

 

J'ai donc continué à ne pas porter de masque, y compris en cours. A part les regards étranges de mes collègues (comment interpréter l'air d'un visage dissimulé à trois quarts ?), les cours se passaient sans anicroches et sans remarques de la part des élèves qui, eux, ont l'air de simplement supporter puisqu'il le faut, habitués comme ils le sont à suivre les injonctions des adultes censés mieux savoir qu'eux... Seulement trois élèves, toutes classes confondues, avaient baissé leurs masques pour finir par l'enlever complètement vu mon indifférence.

 

Mais ce qui m'inquiète par-dessus tout est le manque de joie de la plupart des élèves, constat largement partagé par les collègues avec qui j'ai évoqué le fait. D'un côté c'est presqu’agréable, puisque les bavardages ont plus ou moins cessé. De l’autre côté, l'ambiance en est d'autant plus plombée. Cela m’attriste profondément de voir la joie de toute une génération sacrifiée sur l’autel d'un mensonge délirant.

 

Bien évidemment, je suis au courant qu'en refusant le port de la muselière, je m'inscris totalement en porte-à-faux avec le protocole sanitaire imposé par notre ministre et je suis un peu dans le flou à propos de ce que je risque véritablement puisque tout le monde devient extrêmement prudent quant à l’expression de sa propre vérité !

 

« Tout le monde est devenu extrêmement prudent à exprimer ce qu’il pense vraiment.» Voilà comment s’est exprimée la résistante allemande Sophie Scholl face à Robert Mohr, l’inspecteur de la Gestapo qui allait l’amener à la guillotine. Je demande alors à tous mes collègues : Qui parmi vous ose exprimer sa propre vérité ? Qui parmi vous ose exprimer une opinion étayée par des faits documentés et sourcés ? Osez-vous dire ce que vous pensez réellement ? Si la réponse est «non» ne serait-il pas temps de s’inquiéter ?



Je vais vous dire ce qui s’est passé pour moi lorsque j’ai partagé un article sur un fil de discussion interne à l’espace numérique de travail du lycée. Evidemment, il s’agissait d’un article-brûlot de la part d’une psychologue clinicienne issue de Normale sup’ qui ne partage pas tout à fait la bien-pensance officielle. Mais en tant que normalienne et scientifique spécialisée dans la manipulation, la perversion et la paranoïa liées au pouvoir, j’avais confiance qu’on allait accueillir cet article avec considération.

 

Quelle erreur ! L’article s’est fait lyncher dans les commentaires de mes collègues. Malheureusement, mes collègues n’ont pas attaqué cet article sur le fond. Ils ont préféré s'adonner à l'exercice de la diatribe en pensant - à l'encontre de toutes les lois de la dialectique - qu’on infirme les arguments de quelqu'un en l'associant à des auteurs taxés de complotistes. Cela ne relève pas, en effet, de l’argumentation. Ce qui est particulièrement confondant, c'est un commentaire qui ne fait que citer des extraits du texte en croyant que montrer les propos de l'auteur suffit à réfuter leur teneur... C'est très pauvre, mais bon, comme d’habitude, on brandit l'argument-glyphosate de "complotiste" ! ... et pour eux, le débat est clos.

 

Je me suis donc fait convoquer par le proviseur qui m'avait certainement déjà repéré lors de la réunion de prérentrée. Il souhaitait me parler à propos de cet article qui selon lui aurait fait beaucoup de vagues. 

 

Le discours auquel j’ai eu droit a profondément ébranlé ma conscience morale. Le proviseur m'a sorti l'argument de la "fonction", qui n'est pas un argument, mais un prétexte. Et après m'avoir exposé ses propres doutes sur le protocole et après m'avoir même avoué son illégalité, il s'est empressé de se cacher derrière sa «fonction» de proviseur. Quel tristesse ! C'est exactement à cause de cette scission psychologique qui distingue l'être humain de sa "fonction» imaginaire qu’il devient capable des pires exactions sous prétexte de ladite fonction.

 

Quand est-ce que nous allons comprendre collectivement la différence entre légalité et légitimité ? Quand allons-nous arrêter de confiner notre bonne conscience derrière les barreaux de nos rôles et de nos fonctions... ? Le temps presse !

 

Je lance donc un appel brûlant à tous mes collègues partout en France qui n'osent pas sortir de leur silence. J'encourage les parents de manifester leur désaccord. Je vous en conjure : manifestez-vous pour que chacun sache qu'il n'est pas seul.

 

Voilà, si quelqu’un juge utile de partager mon appel ou de se manifester, j'en serais très heureux parce que je me sens vraiment seul.

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